Signaux faibles, impacts forts :

Observation d’un cas de bizutage institutionnel


Introduction contextuelle à la déposition – édition anonymisée

Cette déposition documente de manière chronologique, factuelle et circonstanciée les événements vécus par une étudiante mineure, ma fille, et moi même, dans le cadre d’un parcours d’intégration à une association étudiante au sein d’un établissement d’enseignement supérieur, à l’automne 2024. Je l'ai rédigée en tant que témoin d’une partie des faits, en lien avec ma fille.

Cette déposition s’inscrit dans le contexte d’une campagne d’intégration étudiante de quinze jours, structurée autour de défis organisés par et pour les membres d’une liste candidate au Bureau des Étudiants (BDE). Deux défis spécifiques — un « défi alcool » et un « défi baffes » — ont donné lieu à des pratiques pouvant relever, selon la législation en vigueur (article 225-16-1 du Code pénal), du bizutage, notamment en raison de la pression exercée sur les participants et du caractère potentiellement humiliant ou dégradant des actes.

La présente version a été anonymisée pour diffusion publique et préserve l’intégrité du récit initial. Elle permet à tout lecteur d’en saisir les mécanismes systémiques, les ambiguïtés de responsabilité, la place du silence institutionnel, et les effets sur la santé physique, psychique et relationnelle de la personne concernée ... et de la mienne.

Ce document est mis à disposition dans une logique de transparence, de responsabilité collective, et de compréhension systémique des pratiques dites d’intégration en milieu universitaire.

Contenu factuel – basé sur des échanges archivés, infalsifiables, transmis à l’institution, dans le respect du droit et de l’éthique (Eléments indexés Mxx, Exx et Cxx)

 

 

– Déposition sur les faits de bizutage concernant ma fille dans le contexte de la campagne BDE en novembre 2024 –

 

1. Contexte et dynamique initiale

 

1.1. Le parcours d’intégration au BDE 

En début d’année universitaire 2024/2025, mon enfant m’informe de son souhait d’intégrer le Bureau des Étudiants (BDE) de son école. Le BDE est une association étudiante en charge de l’organisation d’événements et d’animations pour les étudiants.

Le BDE a organisé, en septembre 2024, le week-end d’intégration (WEI) destiné aux étudiants de première année. Ma fille a participé à cet événement, pour lequel j’avais réglé un montant de 150 € au BDE. Ce WEI s’est tenu dans le sud-ouest de la France, avec des trajets effectués en bus.

Afin de pouvoir intégrer le BDE, mon enfant m’explique qu’il lui faudra suivre un parcours d’intégration spécifique, s’étalant sur l’année universitaire, comprenant deux périodes de « campagnes », avec une élection finale visant à désigner les nouveaux membres du BDE.

La participation au programme se fait en équipes, appelées « listes BDE ». Les étudiants doivent constituer ou rejoindre une liste. Mon enfant précise que ses chances d’intégration au BDE dépendent des performances de sa liste lors des manifestations organisées, celles-ci influençant directement les résultats des élections finales. Les listes se sont formées fin septembre / début octobre 2024. Ma fille appartient à une liste présidée par un étudiant prénommé Maxime.

1.2. Première campagne de défis 

En novembre, les listes démarrent la première campagne, appelée « Défis DL et Défis assos », qui se déroule entre le 7 et le 20 novembre 2024, principalement dans les locaux de l’établissement. Cette campagne est une compétition où chaque défi rapporte des points. La liste ayant le plus de points est déclarée gagnante, influençant significativement les résultats des élections finales.

Ma fille m’indique que les défis sont organisés par au moins quatre étudiants, qui encadrent les deux équipes concurrentes. Pendant cette période, les participants sont mobilisés quotidiennement, avec des horaires allant de 8 h à bien après minuit. Les cours sont maintenus, mais les étudiants disposent du temps nécessaire pour y assister.

1.3. Période de préparation et organisation logistique 

Dès la constitution de leur groupe, les membres de la liste s’impliquent activement dans diverses tâches, comme la création de productions collectives. Mon enfant participe à une forme d’entretien d’évaluation individuel et contribue à une vidéo collective sur laquelle elle travaille intensément. Fière de son implication, elle me montre régulièrement son travail, témoignant de l’émulation et des liens qui se tissent entre les membres.

Pour maximiser leur efficacité pendant la campagne, le groupe organise un « QG » à proximité de l’école. Ce QG, situé à environ 400 mètres des locaux de l’établissement et de mon domicile, est aménagé pour assurer une réactivité optimale. Par ailleurs, une logistique spécifique est mise en place pour loger les membres de la liste et gérer les ravitaillements.

1.4. Hébergement et soutien logistique 

Ma fille me demande d’héberger deux de ses camarades, Chloé et Émilie, pendant la première semaine des défis, et de stocker certaines provisions pour leur groupe. 

J’accepte sous les conditions suivantes :

Stockage des vivres : les déplacements doivent se limiter à la journée, et cela ne doit pas perturber mon organisation en cas d’absence de ma part au domicile.

Hébergement : j’offre un lit, un accès à la salle de bain et prends en charge les petits déjeuners dans une limite raisonnable, à condition que la tranquillité nocturne soit respectée, notamment en raison de ma préparation à une opération chirurgicale prévue le 15 novembre 2024 pour un cancer précoce.

À partir de mon hospitalisation, je précise qu’aucune autre personne ne sera autorisée chez moi, sauf ma fille si nécessaire.

1.5. Observations durant la préparation 

Pendant cette période, je vis au contact de ma fille et de ses deux camarades. Elle est motivée, enthousiaste et investie dans les préparatifs. L’ambiance générale au sein de leur groupe semble positive, marquée par une forte motivation collective et une dynamique saine.

Je rencontre des étudiants souriants et pleins d’entrain, prêts à relever les défis avec l’ambition de réussir. Cette énergie positive, perceptible avant le début des défis, me laisse croire que le groupe est bien préparé et uni.

1.6. Remarques importantes 

Toutes ces informations proviennent de mon enfant et m’ont été communiquées avant le début des défis.

Je ne connaissais aucun membre de la liste de ma fille avant cette période.

À aucun moment l’établissement ne m’a communiqué d’information sur le week-end d’intégration, le programme d’intégration du BDE, ni sur aucun autre aspect lié à la scolarité de mon enfant. La seule correspondance reçue concernait l’échéancier des frais d’inscription pour l’année universitaire en cours, mail transmis par ma fille.

 

2. La campagne des défis – les faits - le dépôt de plainte

 

2.1. La période avant les faits 

Je fais connaissance de Chloé et Émilie au début de la campagne. Je rappelle à ma fille et ses camarades les conditions d’accueil, et elles me garantissent y souscrire. Je leur aménage un espace dans la salle de bain et mets à leur disposition des serviettes ainsi que le nécessaire de toilette.

Je stocke des victuailles ; leur gestion a nécessité quatre à cinq allers-retours dans la semaine (frites, steaks hachés, yaourts). Cela ne perturbe pas mon organisation personnelle : les étudiantes, toujours cordiales, font preuve du respect attendu.

La première semaine débute ; mon enfant est motivée et enjouée, les trois camarades abordant la campagne dans une bonne humeur perceptible. Elles restent néanmoins interrogatives. Elles ne savent pas combien de listes concourent. Ma fille m’indique que les défis sont très souvent annoncés à la dernière minute. Le groupe, déjà contraint par le temps au moment de l’annonce, doit alors déterminer en urgence qui va participer au défi.

Si les premiers jours se passent bien, je constate que ma fille perd progressivement son entrain et sa vigueur. Elle devient moins loquace.

Au fil de cette première semaine, je remarque que les étudiantes passent le plus clair de leur temps à l’extérieur, quittant le domicile tôt le matin. Ma fille et ses camarades restent discrètes lorsqu’elles rentrent la nuit, souvent après minuit. Leurs nuits sont courtes, et elles pâlissent de jour en jour. Ma fille semble de plus en plus marquée par la fatigue ; le rythme imposé devient visiblement difficile à suivre sur le plan physique.

J’échange brièvement avec elles durant la semaine. Je sens, à travers ces discussions rapides, que ma fille devient plus distante. Les étudiantes restent plutôt évasives lorsque je leur demande des nouvelles, mais me disent que les défis se passent plutôt bien. Ma fille m’informe que le QG a dû être déplacé dans la semaine en raison de tensions avec le voisinage. Nous n’en avons plus reparlé depuis, et j’ignore où il a été réinstallé.

À partir du mercredi 13 novembre 2024, j’observe un changement notable dans le comportement de ma fille : elle semble encore plus fatiguée, moins communicative, tendue. Je comprends que c’est le début de la deuxième semaine de campagne, celle des « défis asso ». L’attitude des étudiantes devient plus crispée ; elles paraissent sous tension. Elles sont blêmes, marquées par une fatigue importante. L’une des camarades semble avoir fait un malaise : elle passe au moins deux heures à dormir dans sa chambre en fin d’après-midi, pendant que ma fille et l’autre camarade veillent sur elle.

Je leur demande alors si tout va bien. Elles me répondent que oui, qu’elles gèrent la situation. Je n’ai plus revu Chloé et Émilie depuis cet épisode.

Le jeudi soir, 14 novembre 2024, je ne m’inquiète pas outre mesure. Ma fille et ses camarades ont respecté mes conditions. Même si elles montrent des signes manifestes de grande fatigue et semblent stressées, je suppose que l’organisation et la supervision veillent à la protection des étudiants. Je suis par ailleurs concentré sur mon opération prévue le lendemain, une ablation de la prostate destinée à traiter un cancer précoce récemment diagnostiqué.

Je suis admis à l’hôpital le matin du 15 novembre 2024. Ma fille me demande le samedi si elle peut venir à la maison avec quelques membres de sa liste pour confectionner une banderole dans le cadre d’un défi ; je donne mon accord.

Contrairement à ses sœurs, mon enfant échange peu avec moi durant mon hospitalisation. Nos échanges, rares, sont à mon initiative.

Je rentre chez moi le lundi 18 novembre 2024, en toute fin de matinée. Mon moral est excellent, je me remets rapidement de l’opération et comprends que mes chances de guérison sont très élevées.

Je retrouve ma fille dans la journée. Elle est encore plus blême que la semaine précédente. Certes, elle est contente de me revoir, mais elle paraît vraiment distante. Son regard n’exprime plus sa joie de vivre, je ne perçois plus d’entrain. Elle continue de participer aux défis malgré le rythme épuisant.

Ma mère et les deux grandes sœurs de ma fille, présentes pour m’assister cette semaine-là, font le même constat.

Je partage à ma fille mon inquiétude en la voyant dans cet état. Elle me répond de manière évasive que ça va, et me rappelle que la campagne se termine dans deux jours. Lorsque je l’interroge sur la performance de sa liste, elle me répond laconiquement qu’elle ne sait pas. Ma fille poursuit néanmoins sa participation à la campagne.

 

2.2 Les faits 

 

Mardi 19/11/2024 : La soirée du défi alcool 

Autour de 20 h : Ma fille, Claire et Juliette, ses grandes sœurs, dînent avec moi.

Elle est visiblement épuisée : son teint est très pâle, elle semble stressée et n’interagit pas avec nous comme à son habitude. Son attitude contraste nettement avec la bonne humeur ambiante.

Interrogée sur son état, ma fille confirme qu’elle est très fatiguée, et partage son soulagement de ne pas devoir participer au défi du soir, car il s’agit d’un « défi alcool ». C’est la première fois que j’entends cette expression.

Elle déclare à table que ces défis sont organisés dans le cadre de la campagne de l’établissement, et qu’ils sont exclusivement réservés aux étudiants majeurs, les mineurs ne pouvant y prendre part.

Elle ajoute en substance : « De toute façon, les défis finissent demain soir. »

Je regagne ma chambre à la fin du dîner, tandis que les discussions entre sœurs se poursuivent dans la cuisine. Le lendemain, Claire et Juliette me partageront des éléments qu’elles ont appris ce soir-là : mon enfant s’est confiée à elles à propos d’événements vécus pendant la campagne.

Le départ au défi : 

Peu avant 22h40, ma fille interrompt ma discussion téléphonique. Je mets mon amie en attente quelques instants pour l’écouter.

Elle m’annonce qu’elle part à un défi, sans en préciser la nature. Surpris, je lui réponds :
« Mais tu m’as dit que tu n’avais pas de défi ce soir ? »

Elle répond : « Oui, mais t’inquiète, je rentre vite. »

Elle semble embarrassée. Je perçois qu’elle y va à reculons.

Je suis encore au téléphone lorsqu’elle quitte le domicile, peu avant 22h40, pour se rendre à un défi (C1).

 

La nuit du mardi 19 au mercredi 20 novembre 2024 : le retour du défi alcool 

J’entends ma fille rentrer. Elle va directement, et plutôt discrètement, dans sa chambre. Je me rendors sans avoir regardé l’heure, je dirais qu’il est entre minuit et une heure.

Je ne suis pas encore profondément endormi quand j’entends un bruit qui me semble atrocement fort, venant de la chambre de mon enfant.

Handicapé par ma sonde urinaire et mes cicatrices encore fraîches, je me rends aussi rapidement que possible dans sa chambre. Je comprends alors qu’elle a commencé à vomir, dans un état d’inconscience, allongée sur le dos.

Je tente de la mettre en position latérale de sécurité. Ma fille reprend alors suffisamment conscience pour gérer son malaise, même si elle continue de vomir dans son lit et à côté. Elle rapproche elle-même une poubelle de son lit.

Je reste un moment à son chevet. Estimant que la situation est sous contrôle, je quitte ensuite la chambre, me lave les mains et le visage, puis me recouche dans mon lit.

Je ne vérifie pas l’heure, mais je pense qu’il est toujours entre minuit et une heure. Je parviens à me rendormir, tout en restant en alerte.

 

Mercredi 20/11/2024 : prise d’informations et prise en charge de ma fille 

La prise d’informations

Les informations données la veille par mon enfant se sont révélées contradictoires. Elle avait déclaré devant ses sœurs ne pas devoir participer au défi alcool, car elle était mineure. Je la retrouve pourtant ivre morte, au retour d’un événement supervisé par l’école. Je me souviens également qu’elle avait quitté le domicile la veille à contrecœur.

J’ai besoin de comprendre la situation et commence donc une phase de prise d’informations.

Ces éléments me seront fournis par l’étude du téléphone de ma fille, les échanges que j’ai eus avec elle, deux étudiants de l’établissement, ainsi qu’avec ses grandes sœurs. Je récolte l’essentiel des informations le mercredi 20 novembre 2024, entre 11h30 et 14h30.

11h30 – Premier échange avec ma fille – étude de son téléphone

Je la réveille vers 11h30. Elle m’affirme avoir participé au défi alcool de la veille. Elle ne répond pas à mes demandes de précisions sur les circonstances qui l’y ont conduite. Elle ne sait pas non plus comment elle a pu se faire ses contusions. Il faut dire qu’elle est dans un état déplorable : elle n’a pas encore totalement repris ses esprits et vomit encore tout au long de la journée.

N’obtenant pas d’explications supplémentaires, je prends son téléphone pour en examiner le contenu.

Étude du téléphone de mon enfant :

Caractéristiques de l’étude :

Une seule séance, réalisée le matin/début d’après-midi du 20/11/2024, d’une durée approximative de 30 minutes.

L’étude a uniquement porté sur la lecture du fil Snapchat de la liste BDE de mon enfant, présidée par Maxime, à partir de son téléphone.

Aucune capture d’écran n’a été effectuée – je ne dispose d’aucun élément factuel à ce sujet.

Compte rendu de l’étude :

À la lecture du fil, concernant le défi de la soirée, je comprends qu’il s’agit d’un « défi alcool – Femme ». Les messages échangés montrent une pression exercée sur les membres, en particulier sur les femmes. Aucun message ne montre que l’une d’elles aurait manifesté un intérêt explicite pour y participer.

Plusieurs hommes du groupe, dont Maxime en tête, exercent successivement une pression par messages sur chacune des jeunes femmes. Certaines ne répondent pas, d’autres justifient leur refus par l’éloignement géographique. L’une dit qu’elle a cours le lendemain matin et ne veut pas en manquer davantage. Enfin, une étudiante écrit en substance : « je n’y vais pas, vous pouvez me détester si vous voulez », seul message clairement opposé à la participation.

En fin de fil, les sollicitations se concentrent sur ma fille, la dernière à être contactée. Elle précise qu’elle est encore mineure. Maxime répond que, pour l’occasion, le règlement a été modifié, que les mineurs peuvent désormais participer au « défi alcool » du soir, et que « le ramasse-cadavre est prêt ».

Les sollicitations à l’attention de mon enfant deviennent alors répétées et insistantes, avec plusieurs messages du type « Vas-y [prénom de ma fille] », destinés à l’encourager à participer.

Les derniers messages du fil indiquent que ma fille finira par se rendre au défi alcool.

Note complémentaire :

Plusieurs membres de la liste ne se trouvent pas à proximité de l’établissement pendant les quinze jours de défis, contrairement à ce qui avait été prévu initialement. Cet éloignement pourrait expliquer leur absence à certains défis, mais cette hypothèse reste à confirmer.

12h51 – Appel avec Juliette, grande sœur de ma fille (C4)

À la suite des confidences du dîner de la veille, Juliette me rapporte que ma fille aurait participé à un « défi baffes », et évoque l’existence d’une vidéo à ce sujet (E4). Elle me dit aussi avoir compris que mon enfant avait dû boire une bouteille de vodka lors du défi alcool.

L’étude du téléphone m’amène à poser d’autres questions. Je demande alors à ma fille si je peux échanger avec deux de ses camarades. J’arrive à joindre, en début d’après-midi, Maxime, président de sa liste, puis Sarah, une étudiante de l’école, camarade de sport de ma fille depuis plusieurs années. Ces deux étudiants sont majeurs.

Vers 13h – Appel avec Maxime, depuis le téléphone de ma fille

Même s’il précise que la participation aux défis alcool n’est pas obligatoire, Maxime reconnaît que ma fille s’est rendue à celui de la veille malgré elle, sous la pression exercée par des membres du groupe. Il admet également avoir participé à ces pressions.

Il affirme en outre qu’une étudiante prénommée Charlotte, majeure et organisatrice du défi, a modifié le règlement pour permettre à des mineurs d’y participer.

13h44 – Appel avec Sarah (C5)

Sarah me dit ne pas comprendre ce qui s’est passé. Selon elle, tous les défis alcool doivent respecter une charte. Elle explique que cette charte prévoit que seuls les étudiants majeurs peuvent consommer de l’alcool, et qu'une boisson sans alcool au goût désagréable est proposée aux mineurs comme alternative.

Elle ajoute que, selon cette même charte, boire n’est jamais obligatoire. Elle confirme aussi que les « ramasse-cadavres » sont toujours des membres de la liste. Enfin, elle me précise que le défi alcool de la veille a bien été organisé par Charlotte, et dit ne pas comprendre pourquoi le règlement aurait été modifié.

14h03 – Échange téléphonique avec Claire, autre grande sœur de ma fille, qui confirme les propos de Juliette (C6).

Après 14h – Deuxième échange avec ma fille

Je reprends la discussion avec elle en début d’après-midi. Elle me confirme que le défi alcool de la veille a été organisé par Charlotte. Elle évoque la présence d’une petite dizaine d’étudiants lors de ce défi, dont 4 à 6 organisateurs.

Elle me dit s’y être rendue sous la contrainte de pressions, et explique s’être sentie incapable de s’y opposer. Elle exprime des regrets quant à son absence de refus explicite.

Ma fille ajoute que Maxime aurait participé à quatre défis alcool, et qu’« en ce moment ça gueule avec ses parents ».

Elle mentionne également l’existence d’une page Facebook qui informe les listes des défis à venir, de leur contenu et des modalités de participation. Je n’ai pas consulté cette page.

Enfin, elle me confirme avoir participé à un « défi baffes » pendant mon hospitalisation, et me montre une vidéo à ce sujet (E4). Je n’en sais pas plus, sinon que cela s’est produit dans le cadre des défis.

Bilan à l’issue de la prise d’informations 

Ma fille a été confrontée à des situations pouvant être assimilées à des pratiques de bizutage dans le cadre de deux défis – un défi alcool et un défi baffes – organisés durant une campagne de quinze jours, où les points obtenus contribuaient au classement des participants.

Elle s’est rendue au défi alcool sous la pression de membres de sa liste BDE, notamment de Maxime, président de la liste.

Des éléments tels que la possibilité d’adapter la charte des défis alcool pour les étudiants mineurs, les échanges observés sur les réseaux sociaux, ainsi que l’organisation de « ramasse-cadavres » indiquent une structuration et une coordination globales de ces pratiques.

Le « ramasse-cadavre » désigne l’étudiant chargé de raccompagner un camarade en état d’ébriété sévère au terme d’un défi alcool.

La mère de ma fille, Élodie, m’apportera plus tard une précision : selon ce qu’elle lui a confié, le défi alcool du 19 novembre se serait tenu rue xxxxxxx, au domicile présumé de l’organisatrice, Charlotte.

14h23 – Appel d’Élodie pour l’exposé de la situation et sa prise en charge

Je préviens ma fille que sa mère, Élodie, a été informée de la situation et qu’elle ne va pas tarder à venir pour l’emmener consulter un médecin afin de faire constater son état et ses contusions. Cet échange marque un moment de réconciliation : ma fille retrouve de l’aplomb, son teint reprend des couleurs.

Nous sommes en début d’après-midi. J’ai déjà l’intention de porter plainte, mais je souhaite d’abord en discuter avec Élodie et notre fille, et connaître également la position de l’établissement.

14h27 – Appel à l’établissement pour signalement (C8)

Je contacte l’école pour effectuer un signalement.

Vers 16h – Arrivée d’Élodie à mon domicile

Nous échangeons tous les trois avec ma fille. Nous lui exprimons notre soutien, évoquons les difficultés rencontrées et reprenons ensemble la chronologie des événements.

J’estime que ce n’est pas encore le moment d’aborder la question d’éventuelles poursuites : l’urgence reste de prendre soin d’elle.

Nous avons tous la même compréhension des faits : ma fille a été confrontée à des situations de bizutage, dans le cadre d’un défi alcool et d’un défi baffes, tous deux organisés au sein de cette campagne structurée sur quinze jours, avec un système de points influençant le classement final.

Elle part ensuite avec sa mère consulter un médecin.

18h49 – Échange SMS avec ma fille avant sa consultation (C10)

Elle me fait part du soulagement général exprimé au sein de son groupe, à la suite de mon signalement à l’établissement (E1). Cela semble indiquer que tous les membres de la liste BDE sont potentiellement exposés à de telles pratiques.

19h30 – Échange avec Élodie 

Dans la soirée, j’échange de nouveau avec Élodie. Nous faisons un point d’étape. Elle me confirme que le certificat médical mentionne bien les contusions constatées (E2) (E3).

 

Jeudi 21/11/2024 

10h04 – Transmission du certificat médical

La mère de ma fille, Élodie, me transmet le certificat médical (E2) par mail (M2).

13h54 – Appel avec Sarah (C12)

Je contacte Sarah afin d’obtenir des clarifications. Je lui expose notre lecture des faits, en précisant qu’il s’agit selon nous de bizutages, et que nous réfléchissons aux suites à donner.

Elle se dit navrée, mais ne me donne aucune information supplémentaire.

16h53 – Échange avec ma fille et sa mère

Nous avons un échange à trois : ma fille est à mon domicile, sa mère, Élodie, est en ligne.

Ma fille nous informe qu’elle n’a pas encore été reçue par l’administration, et qu’à sa connaissance, aucun rendez-vous n’a encore été fixé. Elle nous indique également avoir été en présence de Sarah et Charlotte plus tôt dans la journée.

Elle rapporte que les étudiants reconnaissent la gravité des faits, et qu’ils estiment encourir de lourdes conséquences.

Elle ajoute ensuite :

« Au fond, ils sont sympas et on peut régler l’affaire en interne. »

Elle cherche encore à relativiser la situation, affirmant :

« Ce n’est pas si grave que ça »

« C’était pour s’amuser »

Je lui rappelle que les faits sont graves. J’exprime clairement être favorable à un dépôt de plainte. J’argumente en soulignant qu’il existe des limites à respecter, que chacun est responsable de ses actes, et que l’on peut apprendre de ses erreurs.

Ma fille me transmet alors ce qu’auraient dit les étudiants concernés : ils craindraient que le dépôt de plainte entraîne la dissolution de toutes les associations étudiantes. Selon elle, cette affirmation proviendrait du responsable du programme.

Je lui réponds que ce n’est pas de notre responsabilité. Et j’ajoute que, de manière générale, la responsabilité des faits revient aux organisateurs des défis, et non aux simples participants.

Je maintiens ma position, et invite Élodie — attentive et impliquée dans l’échange — à y réfléchir. Nous convenons d’en reparler le lendemain.

Constats en fin de journée :

Ma fille n’a toujours pas été reçue officiellement. Aucun rendez-vous ne semble avoir été organisé.

Elle subit des pressions implicites qui l’amènent à minimiser, voire à chercher à étouffer l’affaire.

 

Vendredi 22/11/2024

9h14 – Échange avec Élodie

À la suite de mon appel avec le responsable du programme, j’appelle la mère de ma fille pour lui faire part de la position que j’ai comprise du responsable du programme. Ensemble, nous décidons de porter plainte.

10h04 – Collecte d’éléments par SMS

Je demande à ma fille de m’envoyer les éléments E3 et E4. Elle me les transmet par message (C21).

12h54 – Message à Sarah

En tout début d’après-midi, j’écris un court message à Sarah pour lui demander quelques précisions supplémentaires concernant les faits. Je n’ai jamais reçu de réponse (C23).

17h41 – Information sur un éventuel rendez-vous avec le responsable du programme

Je signale à ma fille que le responsable du programme est disposé à la recevoir à l’issue de ses cours de l’après-midi. Elle ne manifeste aucun enthousiasme. Elle me répond que ce n’est pas nécessaire, un rendez-vous étant déjà prévu le jeudi suivant — une information que j’ignorais jusque-là (C24, C25).

Pour moi, il est important qu’elle puisse exposer « sa version ». Je la sais sous pression, et je perçois qu’elle adhère désormais à une nouvelle version des faits. Il me semble essentiel que le responsable du programme l’entende, non seulement pour en prendre connaissance, mais aussi pour percevoir les éventuelles pressions qu’elle subit.

Je demande ensuite à ma fille de me faire un compte rendu de cet échange. Celui-ci est laconique, et ne contient aucun élément factuel. Je comprends qu’elle adopte une posture de retrait, voire de fuite (C26, C27).

À ce jour, je n’ai pas eu de retour réel de sa part sur cet échange avec le responsable du programme.

 

 2.3 Le dépôt de plainte 

 

Samedi 23/11/202414h57 – Hôtel de Police de Strasbourg

Après avoir prévenu ma fille — qui refuse de porter plainte — et échangé avec sa mère, qui soutient la démarche, je me rends à l’Hôtel de Police de Strasbourg en début d’après-midi pour déposer plainte.

Je suis reçu par un brigadier-chef de police, qui enregistre la plainte.

Conformément à l’article 225-16-1 du Code pénal et suivants, les faits rapportés dans cette plainte relèvent d’une qualification de bizutage, caractérisé par des actes humiliants ou dégradants infligés dans un cadre éducatif ou associatif, même en cas de consentement apparent des victimes.

 

Dimanche 24/11/2024

Ma fille passe chez moi pour un dîner d’anniversaire avec sa sœur. Elle est désormais majeure. Je décide de ne pas évoquer la situation afin de lui offrir un moment de tranquillité.

Cependant, juste avant de repartir chez sa mère, elle me dit avoir participé volontairement à une soirée privée entre étudiants de l’école, le soir du 19 novembre. Elle me transmet la version du président du BDE, que le responsable du programme m’avait déjà rapportée le vendredi matin (C19).

Je lui réponds que je respecte sa position, et lui demande de respecter la mienne.

Depuis ces événements, ma fille évite tout échange sur les faits. Elle montre des signes d’isolement. Le sujet de l’école est désormais éludé. Nos échanges sont devenus furtifs, occasionnels et superficiels, alors qu’ils étaient auparavant quotidiens et très rapprochés.

Elle réside désormais chez sa mère, alors qu’elle vivait principalement à mon domicile jusqu’alors.

Ayant été exposée à des atteintes lors des faits, elle présente des signes de stress persistant, qui pourraient résulter à la fois des événements eux-mêmes et de ses interactions dans son environnement étudiant.

Nos relations ne commenceront à retrouver un cours plus apaisé qu’à l’approche des vacances de Noël 2024.

 

Version du 17/07/2025

 

 

Là où l’équilibre appelle

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